Le contrôle des marchés par les Juridiction financières enseignement et pistes D’amélioration

 

Le contrôle des marchés par les

Juridiction financières enseignement et pistes 

D’amélioration

                                              Par Monsieur Naciri Mohamed

                                           Enseignant chercheur

Introduction

    Conscients de l’enjeu économique et financier de la commande publique et de son importance stratégique  pour soutenir la croissance, les pouvoirs publics ont entamé, en l’espace d’une trentaine d’année, une série de réformes en matière de passation et d’exécution des marchés publics.

    La dernière réforme en la matière est intervenue en 2013. L’objectif  recherché était d’inscrire de manière irréversible la commande publique dans une logique de respect  des principes de la transparence et la rationalité dans la gestion publique, l’égalité d’accès aux commandes ainsi que l’encouragement de la concurrence et l’efficacité de la dépense publique.

     Cette finalité est également consacrée par la loi n° 69-00 relative au contrôle financier de l’Etat sur les entreprises et autres organismes, que fait un impératif de bonne gouvernance   et   l’une    des conditions d’accès de ces établissements et entreprises publics (EFP) à un statut élevé de l’autonomie de gestion.

       Malgré son importance ans les divers domaines de contrôle et de moralisation de la via administrative, la réforme n’a pu atteindre, que  partiellement, les objectifs qu’elle visait.

      Dans ce contexte, l’analyse des différents rapports publiés par la Cour des comptes met en exergue un certain nombre d’observations qui ont un caractère récurrent et un impact à haut risque dans la gestion de la commande publique.

    A ce propos, nous présenterons, dans le cadre de cet article, en premier lieu, les attributions des juridictions financières, en deuxième lieu le contrôle de la commande publique à travers l’exercice des compétences juridictionnelles et non juridictionnelles de la Cour des comptes, et en dernier lieu les principaux points de fragilité ainsi que les enseignements tirés.

                    I.            Attributions des juridictions financières 

    La Cor des comptes a pour principales missions des attributions juridictionnelles qui couvrent notamment le jugement des comptes et la discipline budgétaire et financière. Elle a également une compétence en matière non juridictionnelle à travers le contrôle de la gestion, le contrôle de l’emploi des fonds   publics  et    l’assistance  au  parlement et au gouvernement. En matière d’emploi des fonds publics, la Cour contrôle à la générosité publique, sur demande du premier ministre.

      En matière de marchés publics, les juridictions financières exercent un contrôle a posteriori : ce contrôle est  exercé aussi bien sur les administrations, les établissements et entreprises publiques que  sur les collectivités territoriales et concerne essentiellement, la passation des marchés de travaux, de fournitures et de services et les bons de commendes. Le contrôle juridictionnel que du contrôle de la gestion.

     Depuis la réforme du texte régissant les juridictions financières et la loi sur la responsabilité, le contrôle de la Cour en matière de marchés publics porte de manière équilibrée  sur les attributions des trois principaux intervenants dans l’exécution budgétaire à savoir, les ordonnateurs, les contrôleurs et les comptables publics.

                  II.            Le        contrôle     des      marchés           publics       en         matière    juridictionnelle

1.       Le jugement des comptes

    Le contrôle à ce niveau est exercé sur les organismes publics dotés de comptables publics. Ces derniers sont tenus de produire à la Cour, leurs comptes de gestion conformément aux dispositions du code des  juridictions financières.

            L’objectif de ce contrôle est de vérifier la régularité et la conformité des marchés publics par rapport à la réglementation en vigueur. En cas d’irrégularité, le comptable est sanctionné par un arrêt de débet.

          Si la Cour ne retient aucune irrégularité en matière des marchés publics à la charge du comptable public, elle statue sur le compte ou la situation comptable par un arrêt définitif.

           Lorsque le contrôle des marchés publics révèle l’existence de l’une des infractions prévues aux articles 54,55 et 56 du code des juridictions financière, la formation des magistrats prend une décision qu’elle transmet au procureur général du Roi, lequel saisit la Cour en matière de discipline budgétaire et financière.

         Lorsque ce contrôle fait apparaitre des éléments constitutifs d’une gestion de fait au sens de l’article 41 du code des juridictions financières, la Cour déclare et juge ladite  gestion de fait, sans préjudice des poursuites pénales.

        De même, lorsque ce contrôle révèle des faits de nature à justifier une sanction disciplinaire, il est fait application des dispositions de l’article 111 dudit loi.

2.       La discipline budgétaire et financière

 

    Le controle de la discipline budgétaire et financière port sur les infractions susceptibles d’entacher la gestion de la commande publique conformément aux dispositions des articles 54,55 et56 du code des juridictions financières. Ce contrôle qui vise les différents intervenants dans l’exécution de la commande publique, a pour objectif de s’assurer, entre autres, du respect e la réglementation et d’examiner la matérialité et le service fait.

     En cas de manquement au respect des règles d’exécution des opérations financières, l’intervenant est sanctionné par une amende dont le montant calculé selon la gravité et le caractère répétitif de l’infraction, ne peut être inférieur à mille (1.000) dirhams par infraction, sans toutefois que le montant de l’amende par infraction ne puisse dépasse la rémunération nette annuelle que la personne concernée a perçue à la  date de l’infraction.

      Toutefois, le montant cumulé des amendes précitées ne peut dépasser quatre(4) fois le montant annuel de ladite rémunération.

      Si la cour établit que les infractions commises en matière des marchés publics ont causé une perte à l’un des organismes soumis à son contrôle, elle ordonne à l’intéressé le remboursement à cet organisme des sommes correspondantes, en principal et intérêts.

                III.            Le contrôle des marchés publics en matière de contrôle de la gestion

     Le contrôle de la gestion est exercé sur tous les intervenants dans la gestion des marchés publics. Il a pour objectifs de s’assurer de la régularité et de la conformité des marchés publics par rapport à la  réglementation en vigueur et de s’assurer également de la matérialité. Il aussi pour objectif de s’assurer de l’efficacité, de l’efficience et de l’économie du marché et de sa performance en plus de la qualité des prestations fournies aux citoyens.

     A l’issue de ce contrôle, trois canaux de suivi sont prévus, à savoir soit, la formulation des recommandations de nature à améliorer la gestion soit, la saisine en matière de discipline budgétaire et financière lorsqu’il s’agit d’une responsabilité de gestion soit, enfin, la possibilité d’engager des poursuites pénales ou disciplinaires lorsqu’il s’agit de la responsabilité pénale ou administrative.

     IV            Les dysfonctionnements         et          les     principaux     enseignements tirés

       A travers l’étude et l'analyse des observations relatées dans les rapports de la Cour des comptes sur le contrôle des marchés publics, il a été constaté  que les contrôles des juridictions financières  se sont intéressés à la régularité des commandes publique, et ce à trois niveaux : la passation, l’exécutions ainsi que le contrôle technique.  

     Au niveau de la passation, les contrôles exercés par la Cour  des comptes ont permis de relever plusieurs observations liées, notamment, à :

-          L’imprécision dans la détermination des besoins et dans la rédaction des termes de références ;

-          le recours abusif aux  marchés négociés et aux  marchés dits de régularisation ;

-          le non-respect du délai de publicité ou de consultation notamment, pour les marchés par appel d’offres restreint ;

-          les insuffisances en matière d’évaluation des offres techniques ;

-          le fractionnement latent des marchés.

Au niveau de l’exécution, la Cour a relevé les observations suivantes :

-           octroi de délais supplémentaires injustifiés aux attributaires (ordres d’arrêt et de reprise de complaisance) ;

-          non maitrise des délais d’exécution ;

-           non application des pénalités de retard ;

-          Ecart important entre les travaux prévus par les CPS et ceux réellement réalisés, ce qui  affecte la crédibilité des CPS, base de l’engagement d’une concurrence saine ;

-          Insuffisance au niveau du suivi de l’exécution des marchés ;

-          Paiement d’approvisionnements non réels ;

-          Augmentation des couts des marchés dus au non-respect des délais d’exécution (révision des prix) ;

-          Tolérance des malfaçons et non-conformité de la qualité des travaux, fournitures aux études aux termes des références.

     Au niveau du contrôle technique, il est à noter qu’à l’occasion de plusieurs contrôles de marchés de travaux de différentes natures (voirie, assainissement, constructions, adduction en eau, électrification….), les rapports de la Cour des comptes constatent une insuffisance de suivi et de contrôle technique exercé par le maitre d’ouvrage et les intervenants mandatés par ses soins. Il en résulte que les quantités de travaux payés sont parfois, supérieures à celle réalisées et la qualité prévue laisse souvent à désirer.

    A titre d’exemple, en matière de travaux d’assainissement, les rapports de la Cour observent qu‘il existe une différence significative entre les longueurs et diamètres des canalisations réalisées sur le terrain et celles reprises dans le plan de récolement et payées dans le décompte définitif. De même, au niveau de travaux de voirie, souvent les épaisseurs des couches de base et de  fondation de corps de chaussée sont inférieures à celles prévues par le cahier des prescriptions spéciales et payées dans les décomptes et enfin, en ce qui concerne les travaux de construction, les rapports de la Cour ont soulevé des différences significatives entre le détail des métrés et les quantités des travaux réellement exécutés.

     A la lumière de ce qui précède, les principaux enseignements tirés des rapports de la Cour des comptes sur le contrôle des marchés publics sont :

-          instaurer un contrôle interne permanant, appuyé de ressources humaines compétentes. Le but est de se prémunir contre  risques liés à la fiabilité des métrés en tant que base d’établissement des décomptes, la discordance entre les plans de recollement, le détail du métré et les travaux exécutés effectivement sur le terrain ainsi que l’écart entre les quantités des travaux réalisées et celles facturées ;

-          responsabiliser d’avantage tous les intervenants dans la phase d’exécution (entrepreneurs, architectes, bureau d’études techniques et bureau de contrôle,……)

-          recourir à l’expertise technique de cabinets indépendants pour toutes opérations particulières de contrôle nécessitant une expertise spécifique. Le recours à ce genre d’expertise doit être formalisé et prévu par les textes ;

-          mettre en place un dispositif général du contrôle qui doit consacrer une place importante au contrôle technique ;

-          renforcer la capacité de gestion des ordonnateurs et des sous-ordonnateurs par la formation et la formation continue en matière de contrôle technique des marchés publics ;

-          le dispositif général du contrôle doit consacrer une palace de plus en plus importante aussi bien au contrôle de performance des marchés publics basé sur la vérification des principes d’économie, d’efficacité et d’efficience qu’au contrôle de conformité et de régularité de ces marchés.

   Cette approche viendrait consolides et conforter les réformes budgétaires globales engagées par nitre payes, visant l’utilisation optimale des ressources et une gestion transparente des deniers publics axée sur les résultats et la performance.

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